Le bouquet d'Aurore
Ecrit parLaurence Grynberg, illustré par Dominique Aurousseau et Claudy Monfort.Il était une fois, dans un pays lointain, une petite maison basse en pierres blanches et aux volets bleus, où vivaient Aurore et ses parents.
En hommage à ma fille Aurore qui a décidé, au bout de neuf mois, de ne pas naître et de rejoindre les anges dans le ciel.
(30 Mars 1999)
Pour son papa, Jean-Marie avec tout mon amour.
Je vais te raconter son histoire, une bien belle histoire...
Aurore est une petite fille de 7 ans, aux longs cheveux couleur de miel, aux yeux couleur du ciel, et son visage aux bonnes joues roses est parsemé d'innombrables taches de rousseur. Elle sent bon le lait d'amandes. Elle est vêtue d'une simple robe de toile claire, ceinturée à la taille d'une corde de chanvre et porte à ses pieds des sandales de cuir.
Comme tu le vois, la famille de la
petite fille est bien pauvre, d'ailleurs, le seul bien de ses parents c'est
un troupeau de chèvres qu'Aurore conduit brouter chaque matin; dans
ce pays il n'y a que des chèvres qui peuvent vivre car l'herbe y est
rare.
Tous les matins, avant que le soleil ne soit haut dans le ciel et qu'il ne fasse trop chaud, Aurore prend une petite besace que lui prépare sa maman, contenant son repas de midi et sa flûte. Et la voilà partie toute guillerette en chantant, à quelques lieux de là. Les chèvres l'aiment bien ainsi que les oiseaux qu'elle rencontre et qui la suivent. Tous les animaux sont ses amis.
Chaque jour, Aurore organise un concerto des plus originaux : à droite les chèvres avec leurs clochettes et leur bêlement , au centre le chant mélodieux des oiseaux, et à gauche elle-même avec sa flûte. Ce pourrait être une cacophonie mais au contraire, toutes les notes s'accordent si harmonieusement que le résultat est charmant.
Un beau jour, alors qu'Aurore est en
train de manger une petite tartine enduite d'huile d'olive, d'herbes aromatiques
et d'un morceau de fromage, elle aperçoit, posés sur une pierre
plate à ses pieds, deux papillons, l'un doré comme le soleil
et l'autre argenté comme la lune, qui la regardent.
C'est rare de rencontrer deux papillons qui vous regardent... Aurore leur sourit et à ce moment là, il se passe un phénomène très curieux : les deux papillons commencent à grandir, grandir et grandir, tant et si bien qu'ils deviennent hauts comme trois pommes et se mettent à parler : " Bonjour, je m'appelle Thimothée dit le petit elfe couleur du soleil, " Et moi c'est Angèle " , répond le deuxième elfe couleur de lune.
Aurore, toute surprise est en même temps très heureuse de cette rencontre et pour les saluer, sort la flûte de son étui et leur joue son morceau de musique préféré, esquissant en même temps quelques pas de danse. Ce qui est sûr c'est que la petite fille n'est pas du tout effrayée par les deux elfes qui s'approchent d'elle et lui tendent une petite clef en or. " tu vois, cette petite clef " lui dit Thimothée, " elle permet d'accéder à un trésor " ajoute Angèle.
Aurore accroche aussitôt la clef au ruban de velours turquoise qu'elle porte toujours au cou. Elle sent intimement au fond d'elle que cet objet est porteur d'une grande richesse, mais une richesse tout à fait particulière... " Si tu le veux, nous t'accompagnerons pour faire ce grand voyage jusqu'au trésor, et tu ne dois pas t'inquiéter pour les chèvres, elles ont l'habitude du chemin de retour, quant à tes parents, ils recevront en songe un message rassurant. " lui disent-ils. Aurore, aussitôt ramasse ses affaires et là... commence sa grande Aventure !
Ils marchent longtemps sur des chemins arides, abruptes, couverts de milliers de petits cailloux minuscules qui font grand mal lorsqu'ils se logent dans les sandales d'Aurore en lui blessant les pieds. Ils grimpent sur des hauteurs, puis redescendent, et remontent interminablement....
Il lui faut beaucoup de courage et de patience : Thimothée et Angèle la précédent ou bien volent près de ses oreilles en la réconfortant. Ce voyage est bien éprouvant pour une si petite fille : elle tombe souvent en se tordant les chevilles, mais se relève pourtant sans rien dire, sans aucune révolte, les genoux couverts de sang et sa robe déchirée, et malgré tout ça elle ramasse des fleurs dès qu'elle en aperçoit et forme un beau bouquet : ce qui est étonnant, c'est qu'à chaque fois la fleur cueillie lui parle et dit son nom : " je suis l'AMOUR " dit la rose, " l'INNOCENCE " dit le lys, " moi, la CHARITE " dit le tournesol, " et moi, la DOUCEUR " dit le camélia, " moi, c'est la GENTILLESSE " dit le bouton d'or, " et je suis la FOI " dit la capucine et ainsi de suite... Avant de les cueillir, Aurore remercie chaque fleur, de bien vouloir composer son beau bouquet. Toutes les senteurs mêlées inondent et enivrent la petite fille. Les fleurs, elles-mêmes, lui sourient et l'encouragent, ce qui la remplit d'une joie indescriptible. Le temps passe avec son lot de difficultés et ses rares moments de repos.
Il fait très
chaud. Quelquefois, aux détours d'un chemin, une fontaine apparaît.
La petite Aurore s'approche de l'eau cristalline, y voit le reflet de son
visage entouré d'étoiles et entend les gouttes lui dirent :
" Petite Aurore, bois suffisamment car tu ne trouveras pas beaucoup de fontaine
sur ton chemin ". La journée enfin s'achève... et à
la tombée de la nuit ils traversent une forêt sombre et touffue,
tels des ombres chinoises. Le vent en soufflant lui murmure : " tu n'y arriveras
jamais " et l'orage qui commence, agite les arbres en un ballet effrayant
! Les éclairs transpercent le ciel et lui crient : " nous t'empêcherons
d'atteindre le trésor " !
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